La maison de mon enfance

 
    Si on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce serait la salle d'attente. 
Jules Renard



Nous sommes le 28 août 1989. Mon père est décédé suite sans doute à son cancer qu’il soignait depuis quelques années. Par sa fenêtre, Laurette n’avait pas vu Dominique à sa chaise berçante comme à tous les matins. Même heure, même poste. Inquiète, elle en parle à son mari qui fera la découverte macabre.

Inanimé, mon père, veuf depuis cinq ans, git au pied de l’escalier à l’arrière de la cuisine, proche du cabanon qui servait à entreposer le bois et la bière et juste à côté de la minuscule chambre de bain, lire toilette. Quand je dis minuscule, c’était très minuscule. Il nous aurait impossible d’y lire le journal ou le bulletin des agriculteurs ou même l'almanach du peuple. Au mieux le "Prions en église" mais sans éclairage autre que la lumière du passage qui se frayait un chemin par une vitre givrée, et j’oubliais, sans ventilation. Une chambre de bain pour lilliputien. Quand il passait à la maison, Lionel Giroux, mieux connu sous son nom de lutteur de Little Beaver, y était à son aise et encore.

En fait, mon père a été retrouvé sur la trappe menant au vide sanitaire qui servait autrefois à entreposer les patates et autres légumes et différents pots de conserves. Ce vide nous permettait de rejoindre les tuyaux de plomberie et la sortie des égouts qui déversaient leur production dans le petit ruisseau en arrière de la maison avant l’installation par la municipalité de Lorrainville d’un vrai système de récupération. Ce vide m’obligeait quelques fois l’hiver à m’allonger entre le plancher de la maison et la terre et de ramper 3 mètres jusqu’au coin arrière de la maison où les tuyaux avaient pris la mauvaise habitude de geler à cause du peu de chaleur qui sévissait à cet endroit. Quelques fois, il nous a fallu pomper le vide sanitaire à cause d’une grande quantité d’eau lors des pluies diluviennes ou de la fonte rapide de la neige. Mon père avait prévu le coup : notre réserve alimentaire était surélevée de sorte que nous n’accusions aucune perte lors de ces quelques centimètres d’eau égarés. Quant à l'aqueduc il existait déjà depuis 1927 dans le village et fut refait en 1965.

Bien assis dans SA chaise berçante à côté de la fenêtre autorisant une vision panoramique sur la vie des voisins et sur la rue, je repasse les années passées dans cette maison. Un dernier coup d’œil avant la vente de celle-ci à moins qu’un des enfants ne l’achète, ce qui effectivement arrivera et Linda, la cadette, l’habite toujours.

À ce moment-là, j’ai quarante-cinq ans et je me permets un recul dans le temps. Aussi loin que je me souvienne, la chaise berçante était là et le cadrage inférieur de la fenêtre, genre mini-tablette, a toujours servi d’appui pour le cendrier et pour les verres de bière ou d'autres breuvages. Un café de temps en temps quand le paternel lisait ses journaux.

En arrière de cette chaise, juste en face de la chambre de mes parents, un gros radio muni d’une table tournante où les 78 tours s’en donnaient à cœur joie : notamment le country avec les Marcel Martel, Roger Miron, Paul Brunelle, Welly Lamothe, Marie King, Hank Snow, Johnny Cash et tous les autres. Pour le temps des fêtes, beaucoup de musique d’ambiance comme les rigodons, la famille Soucy, la Bolduc, Ovila Légaré. C’est à quatre pattes devant la radio que j’écoutais les parties de hockey décrites par Michel Normandin jusqu’en 1953 et par René Lecavalier par la suite. Puisque mes parents ne dormaient pas loin, le volume de la radio était très bas et cela m'obligeait à me coucher par terre et à tendre l'oreille dans le système de son et de voir (c'est le bon mot) évoluer les Richard, Béliveau, Geoffrion, Harvey, Bouchard, Plante et tous les autres.

C’est à ce même radio que mon père écoutait vers 11h55 et 17h30 à CKVM Ville-Marie, les avis de décès. Il prenait des notes et dans quelques semaines, les héritiers et les successions recevraient sa visite et il leur vendrait un monument. Il en fabriquait en ciment et ma mère et moi, à l’occasion lettrions ces épitaphes. Il en vendait beaucoup en granit et ceux-ci nous arrivaient des grosses compagnies de Montréal et de Québec. Les noms de Todoro & Bigras et Villeneuve dans l’ordre ne me sont pas des compagnies étrangères. Mon père et moi allions les installer pendant les fins de semaine et de là est née ma patience d’attendre dans le camion jusqu’à ce que j’aie l’âge d’entrer dans les hôtels ou mieux dès que j’ai pu entrer sans avoir l’âge. Ce qui ne tarda pas.

Durant la semaine, la maçonnerie et en fin de semaine, les monuments. Et les temps libres attendaient. Cela mérite ce paragraphe. Une excellente école! Travail, organisation, planification, entregent, politesse, étiquette, honnêteté, rigueur, respect de soi et des autres, prévoyance, autonomie, responsabilité, assiduité. Et j'en passe. J'en ai parfois échapper un peu mais qu'on me lance la première pierre.

Sur la photo , en face de la chaise paternelle, une autre berceuse pour moi, pour la visite,  et sans doute pour les autres membres de la famille quand je ne suis pas là. Dans le coin, il y avait un bureau de travail où ma mère faisait la comptabilité de l’entreprise, faisait la paye des employés, rédigeait les contrats de maçonnerie et de la vente des monuments. Ghislaine cache le bureau avec sa chevelure. On attendait le collégien que j'étais pour les contrats en anglais que je faisais avec une dactylo miniature. Ce bureau a été déménagé à Val-Senneville à la mort de mon père et nous a suivi à Ange-Gardien-de-Rouville et à Montréal. Ce que j’écris présentement à l’ordinateur, le bureau en est témoin. Et comme je viens d’arrêter quelques secondes il me glisse furtivement à l’oreille :« Quand vous aurez une chance, donnez-moi un peu d’amour ». C’est vrai que nous avions commencé à lui refaire une beauté mais nous avons négligé de poursuivre ou pire d’achever le travail. "Glisse ma photo dans ton texte, les lecteurs vont voir! » Oh que non. Je viens de réaliser que le tiroir du bas, l'éclopé, était ouvert légèrement. Je le referme délicatement. C'est une façon de dire que je lui ferme la trappe. Un jour peut-être vous le verrez.

Au-dessus de ce bureau, des cadres avec des photos, un téléphone au mur avec sa manette pour la sonnerie. Quand nous voulions téléphoner, on actionnait la sonnerie pour un coup et l’opératrice attendait notre commande. Monique, ma cousine, a déjà travaillé comme dans les Filles du câble. Nous, quand nous répondions, il fallait attendre et entendre trois grands coups. Quand c’était un grand et un petit c’était quelqu’un d’autre et ainsi de suite. C’était le début des appels conférences car tous pouvaient écouter sur la ligne et mais il ne fallait pas tousser et le chien ne devait pas japper car le doute envahissait ceux qui se parlaient. « Aie, madame chose, arrêtez- donc d’écornifler ». Précurseur de Facebook et des autres média sociaux, nous connaissions la vie des gens ou nous aurions pu!

Toujours sur ce même bureau antique, une télévision prend sa place autour des années 1959. Une télévision deux couleurs, si le blanc et le noir en sont, qui captait les postes de Radio-Canada et de Timmins, un réseau anglais. Radio-Canada avait débuté ces émissions le 6 septembre 1952. C'est autour de ces années que René Lévesque, correspondant de guerre, s'était fait connaître avec son émission point de mire. Après le décès de Maurice Duplessis, de Paul Sauvé, et avant que Antonio Barrette ne subissent la défaite, il rejoindra l'équipe de Jean Lesage afin de mettre en branle la révolution tranquille et, entre autres réalisations, la nationalisation d'Hydro-Québec. À l'époque, les émissions entraient plus ou moins bien dans notre salon. Beau temps, mauvais temps, il fallait aller dehors et tourner manuellement l’antenne qui était au bout d’un tuyau d’une dizaine de mètres et là nous tournions pour recevoir les bonnes ondes. Si Don Messer Show entrait très bien, un signe d’arrêter nous informait que notre mission était réussie. Autrement c’était de la neige que nous voyions, même en juillet. Si nous voulions changer de poste, nous retournions dehors et nous tournions jusqu’à ce que…..vous savez l’histoire. Et parfois le vent, la pluie, la neige faisait en sorte que pendant que nous étions rivés devant l’écran, l’image disparaissait ou s’enneigeait. Ainsi nous retournions dehors…Les techniques se sont améliorées depuis et avec le nombre de postes qui existent aujourd'hui. nous serions devenus fous avec notre antenne des années 1950.

Avant de prendre l'escalier en coin en arrière de la maison, il faudrait bien glisser un mot sur la table où nous sommes assis avec mes parents qui était toujours débordante de nourriture et de dessert. Quand c'était moi qui gardait, les jeunes voulaient manger des crêpes ou bien biscuits sodas et jus de tomates ou bien des œufs. Mais quand Laura était là ce n'était pas une traînerie. De plus ça ne prenant pas de temps quand nous arrivions que la table regorgeait de friandises de toutes sortes, de cochonneries comme on dirait maintenant. Dans une grande partie du garde-robe en bas  s'entassaient les peanuts avec écailles, les peanuts sans écaille, des rosettes au chocolat (rosebuds), des chips de différentes saveurs, des bonbons mous, des bonbons durs. Quand tout ça aboutissait sur la table, les enfants étaient au paradis et se bourraient la face au grand plaisir de la grand-maman. Quand les provisions commençaient à manquer, pas question de voir le fond des plats. D'ailleurs un crucifix légèrement vitré surveillait le tout: les discussions et les repas. Et sans doute , par besoin, le rameau tressé en haut de la porte d'entrée devait lui donner un coup de surtout lors des parties de cartes lorsque le langage devenait trop cru et les mises trop élevées.

Cela me fait penser aussi qu'elle aurait pu ouvrir un magasin général dans un des garde-robes du haut. Tous les spéciaux se trouvaient un coin de tablette: papier de toilette, essuie-tout, kleenex, bouteilles de savon à vaisselle, et la liste est infinie. En tout cas la liste est longue.          

Dans le passage qui menait à l’exiguë chambre de bain et au minuscule cabanon,
une laveuse à tordeur qui se rangeait près du lavabo tous les lundis matins. Et pour faire sécher,  la corde à linge était fort occupée toute l'été. L'hiver le linge était épinglé sur un "rack à linge"  qui s'installait dehors sur la galerie et que nous pouvions entrer en dedans pour aider au séchage. L'odeur du linge trempé et gelé était spéciale. Il faisait bon la humer. Je vais essayer de trouver une photo de l'ancêtre de la sécheuse électrique. Aussi que pensez de la corde qui passait d'un mur à l'autre dans la maison et qui servait à suspendre les vêtements toujours dans le but d'activer le séchage. Une machine à coudre  prête à entrer en fonction se tenait au garde à vous dans ce même corridor.  C'est dans ce coin que ma mère faisait ses tapis durables avec des restes de guenilles par contre c'est sur la table de cuisine qu'elle coupait les tissus pour en faire des courtes pointes. Au centre de la maison trônait le poêle à bois avec ses quatre ronds, son fourneau et sa bouilloire intégrée. Et gare aux feux de cheminée et pire aux feux des tuyaux du poêle qui surchauffaient Par la suite, d’autres aménagements ont fait de la place pour le réfrigérateur et une fournaise à l’huile. Lorsque l’électricité assurera le chauffage, un congélateur occupera cet espace entre la chambre de mes parents et le réfrigérateur.

Au même endroit, près du lavabo, il existait un centre thérapeutique. Quand nous étions là, ma mère s'assoyait sur une chaise droite et invitait les enfants , surtout Chantale à lui enlever les cheveux gris à l'aide d'une pince à cils. Elle aimait ça se faire jouer dans les cheveux et elle trouvait cela très reposant. Il me semble la voir les yeux fermés, parfois en dormant, se faire sarcler le cuir chevelu: un vrai centre thérapeutique.

Dans la cuisine, entre les armoires du haut et la seule fenêtre donnant sur la maison d’Édouard Gauthier de qui nous avons acheté la maison en 1945, une série de mini-tablettes en coin. La première, la plus importante, servait d’entreposage pour les médicaments de mes parents, surtout de mon père. Dans le temps, je trouvais qu'il en avait beaucoup. Aujourd'hui je peux me vanter d'en avoir, pas autant, mais presque. Ma mère avait d’autres cachettes surtout qu’après son décès en 1984, le 19 février, nous avons découvert un billet médical lui interdisant de travailler et des pilules pour le cœur. Personne ne le savait. Elle travaillait depuis quelques années à la coopérative alimentaire à titre de gérante surtout après l’invalidité reconnue de mon père en 1977. Vous devinez la raison de son décès à l’âge de cinquante-neuf ans. Dire qu’elle insistait pour que nous fêtions son quarantième anniversaire de mariage car selon elle, le paternel n’en avait plus pour longtemps. Cachottière va! Nous avons fêté leur quarantième en mai 1983 et huit mois plus tard elle décédait. Elle savait. 

 Sur la photo de gauche prise en 1965 ou 1966, on peu admirer les basses armoires et la tablette en coin près de la fenêtre. Sur la photo nous retrouvons dans l'ordre: Guy, moi, Blanche, Charles, Hervé, Diane et Jeanne d'Arc. 

Revenons aux armoires du bas. Elles s’étalent de la partie avant jusqu’à la salle de bain. Des armoires basses. Des armoires trop basses mais puisqu’à l’époque les enfants (hum, hum) participaient aux travaux de la cuisine, elles étaient parfaites. Mais plus tard attention au mal de dos quand nous faisions la vaisselle. Seule le poêle électrique était standard et passait pour un géant au centre des armoires du bas. Avant de monter en haut, comme si on pouvait monter en bas, il faut que je vous parle du salon qui incluait à peu près tout le bas sauf la chambre de mes parents. Aujourd'hui encore j'essaie d'imaginer tout le monde qui s'y trouvait à certaines occasions et je n'en crois pas mes yeux. Pour développer sur le salon, le prochain chapitre s'en charge: Un Noel parmi d'autres. Ce chapitre a craint de passer inaperçu d'autant qu'il a été écrit il y a huit ou neuf ans. Je lui laisserai donc la place. Je lui promets! Et le chapitre aurait pu s'intituler "Lettre à Amanda."

Vers l'arrière, en prenant l’escalier en coin au-dessus du cabanon et de la chambre de bain, nous sommes à l’étage. Le haut est divisé en deux. On se préoccupe d’abord de la trappe qui devait demeurer fermée le jour pendant l’hiver de sorte que la chaleur reste concentrée au rez-de-chaussée. J’imagine que cette trappe sera ouverte dès que nous aurions récité le chapelet en famille au son de la voix du Cardinal Léger au poste CKVM de Ville-Marie tout comme à tous les postes de radios du Québec dans ces années-là. Dans un roman, de Michel David ou Louise Tremblay-d’Essiambre, j’ai déjà lu que si quelqu’un se promenait par temps chaud dans de rues de Montréal, il pouvait suivre le chapelet du Cardinal par les fenêtres entrouvertes sur son chemin. En passant, la chaise berçante offrait la possibilité de s’accouder sur les bras de celle-ci ce qui n’était pas possible avec celles de la cuisine d’autant plus que nous devions nous tenir droits. Je dois employer le mot orthogonal. C’est le mot juste.

Donc, le haut est divisé en deux. Dans la partie arrière, un bain, un lavabo, un rideau de plastique qui facilite l’isolement et l’intimité des utilisateurs. Un grand lit et un petit lit. Le lit de Guy né en 1955 est mieux connu sous le nom de « bed ». Ghislain et moi couchions dans l’autre lit. Parfois, nous rions un peu trop de sorte que nous entendions : « Si vous ne vous fermez pas, je vais monter avec la strap ». J’imagine qu’on se fermait car je ne me souviens pas ou peu de la ceinture. L’autre partie nous donne deux chambres. Celle de droite deviendra ma chambre quand je reviendrai du collège et elle sera partagée avec Ghislain, mon jeune frère né en 1948. Quant à ma sœur Ghislaine, née trois ans après Ghislain elle occupera la chambre de gauche sans doute avec Linda à compter de 1961 ou dans les années suivantes. Quoique là, durant l’année scolaire, les chambres se libèrent : je suis au Collège en septembre 1958 et Ghislain au Séminaire de Rouyn en 1962 ou 63.

            Certaines années, ces chambres sont louées à des chambreurs. Durant les bonnes saisons, mon père devait engager des briqueteurs de l’extérieur et dans deux cas au moins, je me souviens d’eux : Ludger Murray et Normand Breton. Nous nous serrions les coudes et les fesses. Et cela ajoutait aux besognes de ma mère. Ils étaient nourris, lavés, logés.

Au rez-de-chaussée, en sortant par en arrière, nous avions la dépense à gauche où était entreposée l’hiver la nourriture périssable. Au mois de décembre, cet endroit était plein à craquer. La porte bombait le torse et les murs avaient peine à retenir leur souffle.. Les années où mon père faisait le marché à Belleterre, la dépense lui servait d’entrepôt. En plus de faire la boucherie à la maison dont il vendait les produits, il offrait du poisson apporté par des camions réfrigérés et des œufs fournis par des cultivateurs du coin. Il revenait, je le devine maintenant, avec une cargaison de caisses de bière car l'hôtel avait les permis nécessaire pour la vente des boissons alcoolisées. D’autres hivers, il travaillait dans les chantiers comme à Belleterre et Tabaret. J'ai d'ailleurs fêté mon premier anniversaire au premier endroit et le second à Tabaret avec mon cheval.

Il s’est aussi occupé de la salle des loisirs pendant quelques années, toujours l’hiver. Durant les vacances de Noël, j’agissais comme planteur aux quilles en plus de m’assurer que dans le pot de vinaigre, il y avait toujours des œufs cuits durs et que les biscuits soda ne manquaient pas. Mon père a aussi agi comme serveur à l’Hôtel Moderne au sous-sol et parfois les quarts de travail s'allongeaient. Et ma mère attendait. Elle rongeait son frein, jusqu'à ce qu'elle demande à quelqu'un d'aller le chercher, de lui rappeler l'heure. Un autre ou moi, prenions le sentier voisin des Guimond et nous arrivions juste en face de la descente de cave pour entrer à l’hôtel. Employons le mot taverne. On utilisait le même chemin pour aller se quêter un chip ou une liqueur dans la journée quand il travaillait. Et nous refaisions le chemin inverse pour ramener notre père à la maison quand la fatigue de la journée lui tombait dans les jambes surtout quand il n’était pas serveur.

Le terrain qui nous appartenait devait mesurer vingt mètres par quatre-vingts. La maison se contentait d’utiliser l’espace de 7 mètres par huit tout au plus. Deux autres bâtiments occupaient l’espace territorial. Un grand hangar qui se divisait en trois sections : le garage à gauche et la remise maçonnerie à droite et entre les deux, la « shed » à bois. Ces bâtiments recevaient aux deux ans une couche de peinture, mais en réalité, on blanchissait avec de la chaux. Bizarrement, dans les années 2000, le chef pompier de Lorrainville a été demandé pour éteindre un feu. Quand mon beau-frère a vu sur sa pagette que les pompiers étaient demandés au 7 rue Geoffroy, il n’a eu qu’une réaction:« Mais, c’est chez-nous, c'est chez-moi! ». Ce bâtiment a été rasé par les flammes et a fait place à d’autres constructions. Nous avons souvent des parties de balle en le garage et la maison. Jeunes nous avions notre terrain de balle entre la maison et le garage.

Dans le garage, mon père avait toujours pris grand soin de bien entreposer son camion et l’hiver quand le soleil plombait, il ouvrait la porte du garage pour que son trésor respire le bon air et la lumière. Et chaque fois que j'arrivais, surtout par temps froid, J'avais une question. Non pas une question, une forte suggestion: "As-tu connecté ton auto." Je me branchais au même fils que le camion. Ce garage a aussi servi de rassemblement après les parties de balle car il arrivait que le grand club se ramasse chez nous après les joutes au Stadium et que les joueurs dégustent la victoire ou la défaite. J’ai eu l’occasion plus tard de faire partie de ce grand club. Aussi le garage me servait et à Monique, ma cousine née en 1943, à monter des spectacles et à faire payer les voisins pour voir les magiciens à l’œuvre, assister à des concours d’amateur, participer à des séances d’hypnotisme. Parfois, c’était plus sérieux et je disais la messe et la communion se faisait avec des hosties faites de pain écrasé avec le fer à repasser. C’est aussi dans le garage que nous avions épinglé toutes les photos des joueurs du Canadiens de Montréal qui figuraient toutes les semaines dans La Patrie.

Dans la remise de droite, mon père entreposait tout son matériel pour réaliser des travaux de maçonnerie et toute la quincaillerie. Cette remise était barrée à clef et il fallait s’assurer chaque soir que c’était bien le cas. Sinon. Aucune idée. J'ai jamais voulu savoir!

Au centre, c’est là que nous cordions le bois de chauffage que Charles nous livrait en accrochant souvent la corde à linge. Le mari de Jeanne-d’Arc nous embarrassait de ce bois en septembre et en octobre. Il s’agissait sans doute du bois que mon père avait coupé sur l’ancienne terre de Wilfrid, son père, qui appartenait désormais à Adrien. Donc une quinzaine de cordes de bois que nous cordions religieusement, symétriquement dans la remise et selon les rigueurs de l’hiver et de la température nous transportions ce bois, dans le cabanon, à l’intérieur de la maison, beau temps, mauvais temps,  selon les besoins.

En arrière du garage, tous les madriers et les deux par quatre étaient bien protégés des hivers et des intempéries par des tôles qui les recouvraient entièrement. Nos échafaudages étaient en sécurité et ceux en métal ronflaient dans la forge. Plus tard, un jardin occupera une partie de l'espace tout comme au côté du garage.

Voisin de ce tas de bois servant principalement à faire des échafaudages et des trottoirs et des solages en ciment, une remise d’environ quatre mètres par cinq servait de forge. Un poêle à charbon avec soufflerie, des enclumes, de l’eau salée et mon père arrangeait ses outils pour tailler la pierre, affûtait les ciseaux de différentes espèces pour le travail de la brique, des blocs et surtout la pierre taillée comme pour l’église de Ville-Marie et la maison des Loiselle voisin de l'hôtel.

Au fond du terrain, vers le nord, c’était notre dépotoir qu’il nous fallait compacter avec de la terre occasionnellement et cela nous permettait d’agrandir disons notre surface de jeu. Et un peu plus loin, au bout du lot, un petit ruisseau qui servait d’égouts et dire que nous pêchions de petits menés dans ce ruisselet. On remettait les poissons à l’eau quand même quand on en attrapait. Aujourd'hui, une partie du terrain arrière a été remis à la municipalité et le tout est devenu un très beau parc avec plein de jeux et d'activités possibles pour les résidents du village.

En avant de la maison dont la façade donnait  sur le sud  et sur la  rue  Notre-Dame
que nous voyions de notre maison, une clôture d’environ un mètre de haut en pierres de champ le tout recouvert d’une tablette de ciment. Linda insiste pour que je place cette photo montrant la clôture. Deux entrées en fer forgé permettaient soit aux piétons de s'engager sur le trottoir conduisant à l'entrée principale soit aux autos et aux camions de se rendre en arrière de la maison et au garage. C'est sur cette clôture que je pratiquais mes lancers de baseball. Fallait avoir du contrôle car la balle allait se réfugier de l'autre côté de la rue. Il fallait donc garder la balle basse et ce me fut profitable.

Sur la galerie deux fauteuils capitonnés, un à trois places et l’autre à deux. Poste d’observation phénoménal de la rue Charrette devenue Geoffroy en l’honneur du premier curé et chanoine de la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes de Lorrainville.

Le contrat de vente de cette maison fut fait le 4 avril 1945 avec possession le premier juillet suivant. Selon les papiers du notaire Dumesnil, Victor Gauthier vendait la maison pour la somme de 600$ dont 400$ payable à la signature. Les taxes étaient payées jusqu'au  premier janvier 1946 par le vendeur. Le montant de 200$ restant devait être acquitté à raison de 100$ par année, payable le 4 avril 1946 et 1947 à un taux de 5%. Un contrat en bonne et dû forme en date du 3 avril 1947 témoigne que toutes les conditions ont été respectées et que la maison est libre de dette.

LA MAISON OÙ J'AI GRANDI
version originale: Celentano/Beretta/Del Prete
paroles françaises: Eddy Marnay

Françoise Hardy

Quand je me tourne vers mes souvenirs
Je revois la maison où j'ai grandi
Il me revient des tas de choses
Je vois des roses dans un jardin
Là où vivaient des arbres, maintenant la ville est là
Et la maison, les fleurs que j'aimais tant n'existent plus

Ils savaient rire, tous mes amis
Ils savaient si bien partager mes jeux
Mais tout doit finir pourtant dans la vie
Et j'ai dû partir les larmes aux yeux
Mes amis me demandaient pourquoi pleurer
Découvrir le monde vaut mieux que rester
Tu trouveras toutes les choses qu'ici on ne voit pas
Toute une ville qui s'endort la nuit dans la lumière

Quand j'ai quitté ce coin de mon enfance
Je savais déjà que j'y laissais mon cœur
Tous mes amis enviaient ma chance
Mais moi je pense encore à leur bonheur,
À l'insouciance qui les faisait rire
Et il me semble que je m'entends leur dire:
Je reviendrai un jour, un beau matin parmi vos rires
Oui, je prendrai un jour le train du souvenir

Le temps a passé et me revoilà
Cherchant en vain la maison que j'aimais
Où sont les pierres et où sont les roses
Toutes ces choses auxquelles je tenais
D'elles et de mes amis plus une trace
D'autres gens d'autres maisons ont volé leur place
Là où vivaient des arbres, maintenant la ville est là
Et la maison, où est-elle la maison où j'ai grandi
...


https://www.youtube.com/watch?v=my4sSWQu6Nk&list=RDmy4sSWQu6Nk&index=1


2021 08 10

 

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