La maison Jean Lapointe

 

Commentaires, questions, ajouts, fautes. Veuillez m'en dire un peu à

gildenom@videotron.ca



Au milieu d’octobre 1985, je quitte donc mon emploi pour un certain temps. Je savais que mon absence serait de quelques semaines mais jamais je n’aurais cru que cela aurait duré un an. J’étais brûlé. Je ne voyais aucune issue possible. Tous attendaient beaucoup de moi et je n’étais plus capable de livrer la marchandise. Physiquement, ce n’était pas si mal. Mentalement, le chaos. Les quelques bières qui m’avaient soutenu jusqu’à ce jour avaient flanché dans leur tâche. Dire qu’elles m’avaient permis de fonctionner. Mais là, elles accéléraient ma déchéance, ma chute en enfer. Je comprendrai un peu plus tard.

Dans la journée ou dans les jours suivants, mon docteur entrera en fonction. Lors de ma tachycardie, elle était devenue mon médecin de famille. C’était reparti. Des rencontres aux deux semaines, des tests, des sit-ins  avec deux psychologues, des médicaments, un suivi par les médecins de la Carra, un à Val-d’Or, un autre à Montréal en février. Ça va peut-être bien. Ça va peut-être mal. Je suis déconnecté de ma vie. Mes intérêts pour celle-ci ne sont pas des plus vivaces. Même Frimousse, mon chien, semble bouleversé par ma situation. S’il avait pu parler sans doute qu'il  aurait été supérieur aux psychologues que j’avais rencontrés à quelques reprises sans que les choses avancent. C’est normal ils attendaient que je parle mais je ne parlais pas. Il aurait fallu des questions. Ils n’en posaient pas. Et ils en auraient posé, aurais-je eu les réponses.

Je me voyais réduit à zéro moi qui avait toujours voulu friser la perfection, mon leitmotiv. Perfectionniste à tort ou à raison, j’étais en échec. Un déchet. Nul. Zéro. Nul. Minable. Même la bière n’arrangeait rien. La bière que je prenais après une heure et demie de marche pour aller la chercher au plus proche dépanneur quand personne était à la maison bien sûr, n'aidait même plus. Tout au plus j’évitais les regards en ne sortant pas car l'échec écrit sur mon front clignotait.

Même mon épouse avait dû voir venir le coup car nous nous étions inscrits à Mariage encounter quelques années auparavant. Un de nos couples d’amis en était sorti indemne et c’était sûrement beau de les voir aller. Nous avons donc fait notre fin de semaine, tout comme Hélène et Émile au Motel Pal's de Val-D'or. (je ne me souviens pas si c'était en même mais ils l'ont fait aussi). Pire, Blanche et moi avons été  sélectionnés pour devenir un couple animateur, voyage et dépenses payés pour une formation à Montréal. Nous n’avons pas été plus loin par après même si les pressions étaient là. On ne s voyait pas devenir animatrice et animateur  et parcourir la province et prêcher la bonne nouvelle. Dans le langage de ces fins de semaine, nous avions appris que Dieu ne faisait pas de scrapt. Ça pour moi, ça s’applique à me femme. Toujours présente aux enfants et à moi, d’un dévouement sans borne, elle exerçait tous les métiers et toutes les professions afin de nous rendre heureux. Elle a toujours été là malgré tout. Elle avait toujours voulu faire du patin de fantaisie. Elle a pu en faire à souhait pendant un certain temps avec les enfants, avec les finances.

Dieu ne fait pas de scrapt. Devenu malade, j’avais atteint la déchéance mais l’échelle pour reprendre le goût même de vivre me semblait sans barreau. Tu essais de t’accrocher, tu glisses. Les marches d’escalier étaient trop hautes, je ne pouvais pas les enjamber, les grimper. J’ai lu sur le bonheur, le relèvement, sur la dépression, c’était pire. Les sonneries du téléphone que j’entendais me faisaient peur et la livraison du courrier m’inquiétait. Je me tricotais une paranoïa tel que définie dans un dictionnaire : interprétations délirantes constituées à partir de conflits, de déceptions, de circonstances pénibles chez des sujets hyperémotifs, sensibles, impressionnables, vulnérables. Je devenais fou sauf que le fait de consommer quelques bières joint à mes médicaments me calmait temporairement, me redonnait quelques couleurs de façon passagère.

Jusqu’au jour où dans la soirée bien assis en train de prendre une bière et sans doute en train de pleurer à la Tête de Pioche, bar juste en face de notre maison à Val-Senneville, mon épouse que j’aime toujours malgré ma déchéance, me parle doucement, calmement, posément, des AA, des alcooliques anonymes. J’ai choisi les adverbes mais c’était ceux qu’il fallait. Et savez-vous quoi, elle avait même un numéro de téléphone et un nom. Elle me l’a glissé avec les mêmes adverbes mais cette fois ils m’ont semblé écrits en majuscules. Je n’étais pas sauvé par le fait même mais elle pouvait avoir un répit bien mérité, un signe d’espoir. Enfin. Elle aussi devait s’accrocher à quelque chose et croire en moi.

Le lendemain, je téléphone à Benoit, le nom sur le bout de papier, un homme à la retraite Il est tout heureux de m’entendre même s’il ne me connaît pas et on se donne rendez-vous chez lui le soir même à sept heure. Le meeting des AA est à 20 heures. C’est plaisant. C'est intéressant. Et je fais du meeting.  Mon Dieu qu'il y en a qui sont poqués. Les partages ne me touchent pas tous. Certains me dépassent avec les armes, la drogue, la violence, la prison mais lorsqu'ils parlent de leur rétablissement, j'embarque plus facilement. Les vécus sont différents mais les étapes du rétablissement se ressemblent. Et c'est la raison d'être là pas le vécu mais la suite, le rétablissement.

Plus je vais au meeting, plus on me demande de participer. Je sais qu’on va insister pour que je lise les étapes ou les traditions mais je ne peux pas lire ça à jeun. Avant d’arriver au meeting, je dois bien en prendre une bière ou deux mais j’ai toujours l’intention d’arrêter de boire. C'est ce qu'on me dit: il faut avoir l'intention d'arrêter de boire et pour avoir l'intention, je l'ai, je vous en passe un papier. C’est ce qui compte. On ne me juge pas, on ne m’accuse de rien mais je sais qui je suis et ça m’écœure. Et surtout cela ne va pas assez vite. J’ai beau faire le café, lire, être à l’accueil, où est-elle ma guérison? C'est où le déclenchement.

« Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool et que nous avions perdu la maîtrise de nos vies » ben voyons donc. Tu parles d'une première étape. Ceux qui partageait étaient bien pire que moi, des bandits, des voleurs, des infidèles, des «brosseux», des sans emploi, des sans famille, de itinérants, des vrais buveurs du matin au soir, des ivrognes, des endettés, des soulards, des éponges. J'en passe et j'en oublie. Je viens de me payer la traite avec des qualificatifs peu honorables pour mes amis AA.

Je ne pouvais me comparer à eux. Je buvais socialement et parfois un peu plus, j’avais ma job, j’avais ma famille, j’avais mes enfants, la banque ne téléphonait pas trop souvent, je ne recevais pas trop de lettres enregistrées. Mais c’est quoi mon problème. Avec le temps j’ai compris que les qualificatifs que j’ai donné temporairement à mes voisins de table ne signifiaient qu’une chose : tous nous étions des malades et nous cherchions un redressement de nos vies peu importe où nous étions rendus et ce que nous avions faits auparavant : la maladie nous avait choisis et je pouvais espérer un rétablissement et ces voisins de table me serviraient d’appui tout comme moi, je pouvais leur venir en aide. C'est une maladie. Ça se soigne une maladie! Et avec le mouvement, nous étions tous des docteurs et des médecins l'un envers l'autre. Chaque meeting nous donnait des brides de rétablissement, des manières de faire, d'agir. Chaque partage nous éclairait un peu plus sur notre propre situation et sur des moyens de s'en sortir

Je fréquente assidûment le groupe Val-d’Or, les lundis et vendredis soirs. Blanche m'accompagne quelques fois le vendredi soir car c'est un groupe ouvert comparativement au lundi qui est un groupe fermé (Réservé au AA, ceux qui ont l'intention d'arrêter de boire, seule condition pour être membre). Blanche fait aussi partie des Al-Anon, groupement parallèle au AA mais qui vise a aider les personnes qui sont préoccupées par la consommation d'alcool d'une autre personne de leur entourage et qui a ses propres réunions. 

Je prends certaines tâches comme le café, l’accueil. Mais je prends quelques fois  une couple de bière parce que je ne peux dire non à celui ou celle qui me demande. Ce n’était pas dans mes habitudes de dire non. Tu peux… oui! Tu veux ….oui!…oui! 

Depuis le mois d’octobre que je végète et nous sommes en avril ou mai. Rien n’avance. ou si peu . Je dois aller en thérapie et ça presse. Un seul endroit m’intéresse : la maison Jean Lapointe. Un pharmacien  avait encore des contacts à cet endroit du temps de M. Guy Ouimet, avant Jean Lapointe,  mais il m’informe que cela peut prendre  beaucoup de temps, que la liste d’attente est longue. Je suis prêt à attendre mais mes amis AA savent bien que ça presse. Nous sommes sûrement à la fin du mois de mai après deux ou trois mois de meetings clopin-clopantc. Le 10 juin avant de souper, le téléphone sonne et on me dit que je peux entrer le lendemain, le 11 juin et qu’on m’attend à jeun à 16 heure à la maison Jean Lapointe au 111 rue Normand dans le Vieux-Montréal. Le cœur palpite. Je ne peux plus reculer. J'en ai même peur un peu. Les émotions s'entremêlent, s'entrechoquent et l'autre qui dit: «Ça va bien aller, tu es capable»

J'ai dû donner certaines consignes à mon épouse et enfants pour les vingt-et-un jours à venir. Mais je partais un peu à la grâce de Dieu. J'ai laissé dans les mains de Blanche tout le tra-la-la. Au moins elle avait un poids en moins et un espoir en plus.

Je prends donc l’autobus en fin de soirée avec au moins au six pack ou une douzaine de Labatt 50 et le lendemain, le 11 juin, j’arrive au terminus de la rue Berry et je n’en ressort qu’avec ma valise. Il était 6 heures et trente et je dois me présenter sur la rue Normand dans huit heures. Je n’ai pas de place où aller en attendant de larguer les amarres et de partir à l’aventure. Je ne déjeune pas, ce n’est pas dans mes habitudes. Je laisse ma valise dans un casier du terminus et je décide de marcher jusqu’au Forum sur la rue Atwater et cette marche permettra à certaines tavernes d’ouvrir leurs portes, de m’accueillir. J’ai du temps de libre en masse de sorte que je dois faire trois ou quatre établissements de premiers ordres où j’ai pu côtoyer de vrais buveurs et cela m’a permis de réfléchir encore plus. 

Chaque établissement me confirmait dans mon choix.  Ou je fais quelque chose ou c’est moi dans quelques temps qui serai sur ces bancs ou qui serai mort. Sur le trottoir, je devais occasionnellement dévier ma route pour éviter des jambes dont les propriétaires étaient affalés à l’entrée des magasins comme la Baie. En face dans le parc d’autres corps inertes cuvaient leur vie couchés sur des bancs. Face à certaines tavernes, déjà une file. J’avais encore le choix. À d’autres endroits, certains tendaient déjà la main pour un café. Je n’avais pas le goût d’étudier leur manière de faire. J’ai jasé avec les quelques bières que j’ai prises avant de manger un sandwich au complexe Desjardins. Et puisque je voulais finir la journée en beauté je suis monté au bar de l’Hôtel Hyatt toujours dans le complexe. Les bières coûtaient plus cheres et le décor bien différent des tavernes de la Ste-Catherine. Les bouteilles, les deux que j’ai savourées, ont été très réceptives à mes pensées. Mais toute bonne chose à une fin. Je me rends au terminus et je reprends ma valise. «Taxi: Maison Jean Lapointe.» Je me glisse sur le siège arrière.  C'est fini.

Le chauffeur me dépose au 111 rue Normand. Il devait être environ 15h45. J’étais attendu pour 16h. Sur le trottoir face à un escalier de cinq ou six marches en vieux ciment noirci, face à des murs de béton grisonnants, trois ou quatre étages ombragés, je prends ma valise et je monte sur le podium et je traverse dans un autre monde. En ouvrant la porte, je perçois des murs jaunes éclairés, je sens des bouquets de fleurs et une ravissante demoiselle souriante m’accueille sans question. Tout un contraste avec l’extérieur.

« Vous êtes Monsieur Dénommée? » Je confirme par un hochement de tête trop surpris d’entendre mon nom. Surpris du Monsieur car pour moi il a pris le bord depuis un certain temps, mais formule de politesse exige. Elle se nomme Ghislaine et m’a avoué que cela était facile de se souvenir de moi car j’étais le seul à entrer à la maison en ce 11 juin pour un stage de vingt-et-un jours,  pour une thérapie de trois semaines. Les formalités d’usage complétées, elle m’a expliqué le déroulement de la cure mais j’avoue n’avoir retenu que peu d’éléments sauf que je rencontrais le médecin et l’infirmière dans les prochains instants et que le souper se prenait au sous-sol vers les 17 heures 30 et que j’aurais le temps de prendre possession de ma chambre. Elle n’a pas parlé beaucoup mais elle a dit que « Bientôt tout ira mieux ». C’était suffisant. Je l'ai crue. En fermant la porte je ne voulais pas revenir en arrière mais me propulser vers l’avenir.

En me voyant, Robert, le médecin me félicite d’être à l’heure et un peu moins de n’être pas à jeun. Un questionnaire, divers tests médicaux, ma condition physique est acceptable et dans vingt-un jours je devrais être un homme neuf si je respectais les consignes et adhérais entièrement au programme. Il m’a aussi confirmé que le sevrage de la boisson ne serait tellement long mais celui des médicaments pourraient prendre de huit à dix jours et que l’infirmière présente, que je nommerai pour la cause Claudette, m’aurait à l’œil même la nuit. En d'autres mots, elle me réveillerait pour savoir si je dors bien ou si je vais bien. Il compléta en disant que les autres membres du personnel me suivraient de sorte que je ne devrais pas connaître de problèmes médicaux. Ils ont aussi voulu s’assurer que je n’avais pas d’autres médicaments dans mes poches ou dans ma valise, ou de la lotion à barbe ou des parfums. Bizarre la lotion et le parfum mais il semble que certains y trouvent un intérêt. Avec ce que j’avais mis sur la table, c’est certain qu’il ne me restait plus rien.

Claudette m’a ensuite conduit à ma chambre, no 24, que j’occuperais seul pour une journée car mon partenaire, Normand, n’entrerait que le lendemain. Une fois mes valises dépouillées, sous l’œil vigilant de Claudette qui en a vérifié le contenu, je devais retourner la voir à l’infirmerie. Un coup d’œil rapide à l’extérieur me permet de voir la cour intérieure. En me retournant, je lui fais face ainsi qu’à mon parrain, un résident qui est là depuis quelques temps et qui me guidera pendant quelques jours et me fera visiter les lieux tout comme je ferai éventuellement envers un nouveau venu.

Nous nous hâtons pour aller à la cale sèche (salle communautaire) afin que je rencontre d’autres résidents mais déjà nous prenons l’ascenseur qui nous mène à la cafétéria dirigée par les Sœurs grises. Dans l’ascenseur, mes futurs amis trouvaient que je sentais bon, résultat des quelques bières prises dans la journée. Certains sont là depuis un jour ou deux et d'autres plus longtemps, mais mon odeur semble être angélique, divine. Après le souper, j’ai eu le droit de connaître davantage les autres résidents, de visiter les lieux et d’en apprendre encore plus sur le fonctionnement de la maison.

Pendant toute la thérapie, le déroulement était à peu près le même. Après le déjeuner, une séance de groupe et des rencontres individuelles avec nos conseillers tout comme dans l’après-midi. Une marche supervisée par petit groupe de façon assez régulière dans le vieux port. Beaucoup de travail personnel sur nos comportements, beaucoup d’écriture. Trois réunions AA par semaine : une sur Côte-des-Neiges, une dans Rosemont et la dimanche nous assistions à la réunion groupe du Vieux-Port qui se tenait dans le même bâtiment que la thérapie. Les deux premiers groupes étaient des groupes ouverts à tous les alcooliques ou non tandis que le dernier était réservé à ceux qui pensaient avoir un problème de boisson et voulaient arrêter de boire : unique condition d’admission.

Nous devions pendant notre séjour effectuer certaines tâches tout comme dans le mouvement des alcooliques anonymes. Ainsi, si je me souviens bien, j’ai aidé au ménage ainsi qu’au service des breuvages dans la cale sèche – style taverne – où nous nous retrouvions pour jouer aux cartes ou placoter. Une autre de mes tâches, très intéressante, était la préparation des toasts pour le déjeuner et puisque que nous mangions avant les autres nous avions l’opportunité d’aller plus longtemps dans la cours intérieure.

J’ai aussi agi comme parrain à deux reprises et j’ai eu beaucoup de fil à retordre avec mon dernier filleul, Gaétan, qui était entré à la maison bien involontairement et lors de la tournée des lieux, il n’arrêtait pas de me dire qu’il voulait s’en aller. Arrivé à la cale sèche, il fut très désappointé de voir qu’il ne pouvait pas jouer aux cartes à l’argent et encore plus lorsqu’il vit qu’on ne servait que des cafés, des liqueurs ou des jus. Je revois encore sa figure, genre Dean Martin, et je fus très surpris de le voir rester à la maison du moins jusqu’à mon départ car je ne l’ai pas revu par la suite comme la plupart des autres.

Les seuls résidents qu’il m’a été donné de revoir furent ceux qui ont continué à faire du meeting au Vieux Port le dimanche matin à 10h. Chaque fois que je descendais à Montréal, j’essayais dans la mesure du possible de me rendre à ce meeting. Au début j’en voyais trois ou quatre par la suite de moins en moins sans savoir ce qu’ils sont devenus. Après plus de vingt-cinq ans je revois encore certains bénévoles et les assidus du groupe. Si j'y retournais aujourd'hui, je me sentirais bien seul je crois. Un jour j'irai m'y retremper.

Une activité presque quotidienne consistait à ce que je pourrais qualifier de la collation du diplôme couronnant la thérapie. La remise de la petite maison, épinglette, se faisait, dans mon cas du moins, vers le milieu de l’après-midi. Lorsque j’ai quitté pour voler de mes propres ailes, l’emblème de la maison Jean Lapointe signifiait que j’avais les outils pour continuer non pas ma guérison car on n’en guérit jamais mais pour cheminer de jour en jour dans tous les domaines de ma vie. Des mots de remerciements, des signatures dans mes cahiers et dans mes livres, je partais avec des souvenirs de tous et vice-versa et je refermais la porte sur cet oasis de paix et de sérénité. J’avais un mode de vie. Je devais affronter la météo au quotidien, vingt-quatre heures à la fois en acceptant les choses que je ne pouvais changer et en ayant le courage de changer les choses que je pouvais. et la sagesse de connaitre la différence entre les deux. Mais je n’étais pas seul.

Ce fut mon cas le 3 juillet 1986, je recevais mon diplôme. La veille lorsque ma thérapeute m’avait expliqué certains détails concernant mon départ de la maison elle avait ajouté que mon épouse serait là et que je n’avais pas à me préoccuper de mon retour à Val-d’Or. Ce fut un choc. Un choc heureux. Depuis mon départ le 10 au soir dans l’autobus beaucoup de questions demeuraient sans réponse mais elle sera là à ma sortie en fin d’après-midi. Après la réception de mon diplôme et après avoir salué tout le monde et dit mes mots de remerciement, je longe le couloir avec ma thérapeute. Mes pas sont incertains, je vacille. Je m’en retourne dans le vrai monde, dans la vraie vie. Je me sens un peu beaucoup comme en février 1965 lorsque j’ai composé le numéro de téléphone, lorsque j’ai fait l’appel de ma vie. Elle est là radieuse. Elle m’aime encore. Nous nous sautons dans les bras et elle m’invite au festival de jazz sur la rue St-Denis et ça pue. Je passe mon premier test. J'ai cru qu'il s'agissait plus d'un festival de la bière que du jazz. Beaucoup de monde, beaucoup de musique, beaucoup d'odeur de bière réchauffée, digérée. Tout un test.

De retour dans notre patelin, le 4 juillet, la vie doit bien reprendre son cours normal, si la normalité peut s’appliquer désormais à ma vie quotidienne. Un peu flou mes regards, je reviens de loin et après vingt-un jours cloitré, je dois m'habituer à ma nouvelle vie avec les relents de l'ancienne pas tellement lointains et toujours aussi récents mais différemment

J'ai échappé trois semaines, peut-être plus. Les classes sont terminées depuis au moins deux semaines. Chantale travaille à la Baie et demeure en loyer et attend son entrée au Cegep de Rouyn en septembre. François travaille chez Pinto dont le propriétaire est mon ancien copain à Lorrainville. Isabelle et Pascale sont à la maison. Blanche est en vacances pour quelques semaines et retournera à la salle d’opération avant le début des classes.

De mon côté, je sais que je retournerai au travail prochainement. Je rencontre donc à nouveau mon directeur-général, dans des circonstances plus intéressantes que 10 mois plus tôt et je lui formule mon désir de retourner avec les élèves mais je ne suis pas encore prêt. L’entrée au travail se fera à l’action de grâce, lors d'une journée pédagogique et lorsque le gros rush de la rentrée sera passé.

Entre temps, à la maison Jean Lapointe, j’avais acquis les bases d’un mode de vie qui en plus de m’assurer la sobriété si je m’y conformais me permettrait de vivre mieux et d’amener une certaine sobriété dans tous les domaines de ma vie. Et pour se faire, je réintègre mon groupe Val-d’Or du lundi et vendredi soirs. Je fais aussi quelques autres meetings. Avec quelques amis, nous partons un groupe uniquement sur les étapes et le rétablissement. Le vécu de mes amis que je connaissais m'intéressait de moins moins. Tous les qualificatifs que j'ai utilisé dans le texte, ne signifie qu'une chose. Nous sommes malades: avocat, chômeur, directeur. médecin. mineur, plombier, mécaniciens, Et les rôles auraient pu être interchangé mais non la maladie. Dans mon groupe d’attache je m’implique à tous les niveaux : le café, la réception, l’accueil du nouveau, le ménage La tâche de secrétaire d'une durée de six mois a fait partie de mon rétablissement. J'ai aussi occupé le poste de RSG, responsable de groupe.  La sobriété dans les fonctions ça me connaît ça va bien, je prends du mieux. Être présent, aider, témoigner.

Plus ça va plus je reprends le goût de vivre. Je m’éloigne de plus en plus de la première étape mais je ne veux pas l’oublier. J’ai eu de la difficulté à mes débuts dans le mouvement des alcooliques anonymes surtout quand ça commence comme ça avec la première étape, et il y a en douze.

La première étape se lisait comme suit : « Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool – que nous avions perdu la maîtrise de nos vies. » À première vue cette phrase ne me visait pas. C’est certain que j’avais bien essayé d’arrêter de boire à quelques reprises mais les occasions ont fait que j’avais repris mes habitudes. Et effectivement la boisson a été longtemps mon ami et m’a aidé à fonctionner. A mon entrée à la MJL, j’étais bien loin du temps où lors des réunions de famille dans le temps des fêtes, je vidais les fonds de bouteilles et les verres pour le fun. Je ne suis pas devenu alcoolique comme ça.

Ma mère avait sans doute des antennes et c’est par habitude que les parents inscrivaient leurs enfants dans les cercles Lacordaire et Jeanne-d’Arc selon que nous étions des garçons ou des filles. Vous le devinez, je fus inscrit dans le mouvement Lacordaire qui visait avant tout à promouvoir la sobriété par des activités de prévention et d’éducation. Pour moi à l’époque cela s’ajoutait aux interdits de la religion mais mon degré d’obéissance à mes parents et à la religion on fait en sorte que je respectais ma parole donnée et portait fièrement mon épinglette témoin de ma sobriété. Je ne me souviens pas exactement quand j’ai pris une nouvelle goutte de boisson mais j’imagine les troubles de conscience que cela a dû apporter. Catholique et obéissant, je dérivais. Pas besoin des autres pour vivre l'intimidation, j'y arrivais bien assez moi-même. Les crantes de bien faire et d'agir correctement ne se résorbaient pas mais s'amplifiaient. 

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, je n’ai pas pris mes premières bière à la cachette mais bien avec mon père lorsque nous allions installer des monuments ou sur les ouvrages de maçonnerie que le soleil nous faussait compagnie et que la pluie nous incitait, quand nous étions à l’extérieur de chez nous, à nous refugier dans des tavernes ou des hôtels. Ce n’est pas que j’avais l’âge mais j’avais la grandeur ce qui veut dire qu’à quinze ou seize ans, j’accompagnais les employés et mon père et je prenais une liqueur douce.

Un jour, je pense quelqu'un a «callé» une traite et une bière s'est retrouvé devant mes yeux, juste au bout de mes mains. Pas de refus et c’était parti. Avec les payes que j’avais, je n’en buvais pas souvent mais les occasions se présentaient de façon régulière et même avec mon père à la maison, l’habitude était prise. Et j’étais bien là-dedans, j’étais un homme. Et la boisson faisait que j’étais beaucoup moins timide. A seize ou dix-sept, ça devenait plus facile pour moi de me mêler à des groupes, d’avoir du plaisir. Je n’étais pas exclu. Toujours avec les plus vieux autant pour les équipes de baseball ou de hockey au Témiscamingue, j’étais à ma place. J’étais un de la gang, je prenais de la bière et je fumais. Et quand j’arrivais à la maison, mon père ne disait plus de lui amener une bière mais bien d’en apporter deux.

Au collège, quand nous arrivions en belles-lettres et rhétorique, nous étions laissés un peu plus à nous-mêmes de sorte qu’exceptionnellement nous descendions dans des hôtels pour prendre une et rarement deux bières, selon nos finances, selon le temps que nous disposions. Nous ne picolions pas. Il faudrait trouver des adverbes pour siroter, déguster, se délecter.   En philo I et surtout en Philo II où j’avais passablement délaissé mes activités politique et littéraires, les sorties se faisaient un peu plus régulières et cela avec la bénédiction des Oblats dont les règlements nous laissaient un peu de corde.

La boisson m’a permis de rencontrer mon épouse et ça c’est très positif. Contrairement aux autres soirs, un Seven-up m'accompagnait bizarrement ce soir-là. Contrairement aux autres filles avec lesquelles j’étais sorti, mon futur beau-père n’haïssait pas la Laurentine et je me suis fait à cette bière tout comme au macaroni au fromage. Dans deux autres cas, lors de mes rares fréquentations, les parents étaient membre du mouvement de tempérance et dans un cas, président du mouvement Lacordaire à Lorrainville. Et à Lorrainville, notre nom était fait. J'aurais eu de la misère à survivre.

Lors de l’un de nos séjours à Lorrainville, ma mère m’avait signifié de faire attention à la boisson. Elle était un peu passée par là et voulait sans doute éviter à Blanche de vivre une situation semblable. Mais à ce moment-là, je ne voyais pas le problème. Je buvais raisonnablement, avec modération et cela suffisait à faire de moi un autre homme.

Après les études et après le mariage, le cycle de la vie bat son plein. Chantale naît en 1968, une première maison en 1970, la naissance d’Isabelle et de François en 70 et 71, de nouvelles fonctions les années suivantes. Rien de plus normal. Je joue au hockey et au baseball. Nous jouons aux quilles, au curling. Nous faisons du camping. Pascale voit le jour en 1975. Les enfants font des activités musicales au Conservatoire de musique et d’autres sportives à la polyvalente et du hockey. Nous construisons une maison en 1979, je dis bien nous, de a à z moins la charpente et l’électricité. Je deviens directeur en 1981 après avoir fait entièrement le tour du jardin à la polyvalente. Mais dès 1984, je sens que des choses me glissent sous les pieds. La tachycardie aurait dû me faire réaliser de mettre un peu les freins. Mais je suis capable. Quelques pilules ici et là et quelques bières, ça fonctionne. Je maintiens mes standards dans ma vie publique et nul doute que ma vie privée en souffre à commencer par mon épouse qui ne mérite absolument pas ça et mes enfants qui doivent rêver d’un futur plus intéressant.

  « Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool – que nous avions perdu la maîtrise de nos vies. » Comment admettre que j’avais perdu la maîtrise de mes vies. J’étais encore marié, j’avais mes enfants avec moi, j’avais un toit, une ou deux autos, une belle job. Ça c’est en surface. Un flash, un jour: mais dans quel état tout ça se trouve. Nous avions perdu la maitrise de nos vies, dans quel état étaient mes vies au niveau marital, familial, économique, social, professionnel, médical, etc. Dans un état lamentable, délabré. Récupérable, c'était à moi d'y voir. Si je n'y vois pas la mort, l'itinérance, la déchéance. Facile de prendre une direction quand tu aimes ta femme et tes enfants mal mais quand même.

Pour que mon épouse me sorte un numéro de téléphone et un nom avec qui communiquer pour les réunions des alcooliques anonymes, il fallait qu’elle ait du chemin de fait et qu’elle croit encore en moi. Elle m’avait souvent reproché de prendre de la boisson. J’en prenais quand même mais sur les breaks. Jamais, je ne serais arrivé à la maison avec une caisse de 24, j’aurais été fusillé des yeux. Un pack de six, ça passait mieux. Un six-pack qui entrait avec moi et un autre qui attendait près de la fenêtre du sous-sol et que j’irais chercher éventuellement par l’intérieur. Quand j’allais prendre une bière après l’ouvrage au Bar Rendez-vous, une bière m’attendait quand j’arrivais er je la calais et je repartais. Et le lendemain, parfois, ça recommençait. « Maudit que tu bois vite!! » Je n’avais pas le choix. Je n’avais pas le temps. En passant à l’épicerie du lac, je prenais quelques bières et je filais vers la maison sauf qu’en chemin, j’en buvais une, deux ou trois et j’arrêtais au dépotoir. C’était sur le chemin, et je me débarrassais de mes vides. J’arrivais à la maison et dans mon sac il y en avait que deux. Ça passait mais pas si bien que ça parce que je sentais. Si on sortait, « On ne rentre pas trop tard » ou « Prends-en pas trop ». Nous n’étions pas encore partis, elle s'en doutait.". Quelques années auparavant, ma femme était disparue un soir sans doute blasée par mon comportement avec la boisson. Elle était allée voir le film « Jonathan Lewiston ». Elle a donc vécu d’espoir plusieurs années. Parfois, l'espoir s'estompait, un coup d'œil aux loyers disponibles. L'espoir renaissait. Le fait de nous inscrire à Mariage Encounter n’est sûrement pas étranger à ma boisson. Elle s’accrochait et moi aussi. 

Avec la Maison Jean Lapointe, d’autres ressources s’offraient à nous, à la famille. Pendant mon séjour, Blanche avait été invitée à se présenter à la MJL pour un suivi des familles, des épouses, des époux. Elle était venue à cette rencontre et il y en eu une autre par après ma sortie un ou deux mois plus tard. J’étais poqué et je l’avais poquée et il fallait des outils pour qu’elle s’en sorte elle aussi. Pendant les vingt-un jours je n’avais pas le droit de communiquer avec elle. Blanche pouvait toutefois le faire avec la Maison, avec mes thérapeutes, mais pas avec moi et personne ne me disait qu’elle avait téléphoné.

Pendant que j’assistais à mes groupes AA, Blanche faisait du Al-Anon et dès ma sortie il y avait un congrès à la polyvalente, un congrès qui regroupait les deux mouvements. En plus de participer un peu à l’organisation elle a aussi fait un partage sur son vécu et sur son rétablissement. Je lui lève encore une fois mon chapeau car sa souffrance intérieure a sans l'ombre d'un doute été au moins égale à la mienne avant mon entrée à la MJL mais elle la vivait à froid,  De mon côté je me suis limité aux partages AA et cela me suffisait car nous étions à trois semaines de ma sortie. Cela faisait trois semaines que j’étais dans le trafic après vingt-un jours dans la ouate, mais le rétablissement allait bien, un jour à la fois.

Je pense que c'est maintenant clair. J'avais perdu la maitrise de mes vies et il fallait que je reparte. J'avais fait une crevaison, j'ai changé le pneu mais mon auto indique toujours 125, 000 kilomètres. Je ne peux pas repartir à zéro à moins de trafiquer toute la mécanique mais la mécanique de l'âme ne se trafique pas, il faut que j'apprenne à composer avec ce que j'ai toujours été et que je veux  devenir.  Jai fait beaucoup de promesses à ma famille, à mes amis et à moi-même. Je ne les ai pas tenues. Je voulais résoudre le problème à ma manière. Il m'a donc fallu lâcher prise. 

La deuxième étape dit: «Nous en sommes venus à croire qu'une puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison.» Et la puissance ça peut être Dieu ou un dieu ou quelqu'un ou ce que vous voulez, quelqu'un de décéder ou que suis-je? J'ai essayé de conduire pendant 42 ans mais ça ne marche pas je vais tout croche. Je laisse conduire un autre. J'ai tout à gagné.  Jamais je ne pourrai dominer l'alcool la preuve est là. Je me laisse aller. C'est à cette étape que le Notre père que nous avions jadis appris revêt une toute autre résonance. Une fois que j'ai admis que j'avais perdu la maitrise de mes vies et que toutes les tentatives de me redresser par moi-même ont échoué, il m'était facile de confier le tout èa une puissance supérieure. Croyant, il 'agissait de me laisser-aller de changer de conducteur. Quand je serai en mesure de reprendre le volant, j'aurai le mode de vie pour demeurer sur l'autoroute et nous suivre les chemins sinueux mais je resterai accompagné. J'aurai mon co-pilote.

La troisième étape suivait immanquablement: "Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel que nous le concevions". Passer à l'action, prendre la décision. Cette étape me trace un plan d'action pratique. Je mets à exécution le mode de vie au meilleur de mes capacités, de ma compréhension  et je laisse ma puissance supérieure faire le reste. La maladie qui est aussi spirituelle retrouve tranquillement sa santé. Anesthésié  par la boisson ma vie ne me ressemblait plus.

Pour savoir tout ce qui ne fonctionne pas en moi, j'ai dû procéder à un inventaire moral, minutieux de moi-même. Un désordre majeur de ma personnalité, tel est le fruit de mon vécu dont je vous témoigne depuis le depuis de ce thème. Le Grand livre des alcooliques anonymes, les fondateurs du mouvement nous disent que nous avons avons bu pour pour noyer nos sentiments,, nos craintes, nos frustrations, nos déprimes. 

«Nous avons avoué à Dieu, à nous-même et à un autre être humain la nature exacte de nos torts». Cela se fait très bien en thérapie, nous avons amplement de monde autour de nous qui vivent sensiblement les mêmes choses. Mon thérapeute a pu emmagasiner tout mes propos et mes écrits. Normalement on nous conseille de prendre un parrain ou une marraine à notre sortie de la maison, j'ai triché. Le contexte ne s'y prêtait sans doute pas selon moi car j'avais de la misère à me confier d'autant plus que dans le groupe, c'était souvent des parents que j' ais eu comme étudiant et des parents qui avaient encore des enfants à l'école. Cela fait de drôles de situation mais  jamais des allusions ont été faites. J'ai quand même plus conversé avec des personnes ayant plus d'affinités avec moi. Je devais me démasquer mais aussi ma confiance devait être extrême tout comme mon honnêteté.

Tout en passant à travers toutes les étapes, il en ressort que tranquillement le mode vie s'installe.  A la sixième étape et à la septième, nous consentant à ce que Dieu élimine nos défauts de caractère et  qu'il fasse disparaitre nos déficiences. Il est bien entendu que des défauts ce que nous avons et des défiances, c'est ce qu'il nous manque. Et c'est un peu risqué de décrire nos défauts. Essayez pour voir de lister vos qualités et vos défauts. Pourquoi faut-il que nos qualités nous les ayons tous le temps et nos défauts de temps à autre. Vu sous angle, on se juge  moins sévèrement. Mais il y en a quand même quelques uns.

Je ne sais pas pourquoi je me suis embarqué dans les étapes. Initialement, je voulais démontrer que j'avais perdu la maîtrise de mes vies et que j'avais remis le tout aux mains d'une puissance supérieure qui ferait avec moi ce que je n'avais pu faire moi-même.  Le reste c'est que la main, le cœur et la tête voulaient glisser quelques réflexions qui éclaireront sans doute un peu le mode de vie. Aussi je vais aller plus rapidement.

La huitième étape nous fit dresser une liste de toutes les personnes que nous avons lésés et nous avons résolu de leur faire amende honorable. Il s'agissait de rétablir les ponts avec les gens qui avaient fait partie de nos vie et de procéder à des amendes. Ce fut fait dans certains cas mais pas tous. Il ne s'agissait pas de courir derrière une auto pour l'arrêter et m'excuser de mes comportements passés. Si l'occasion se se présente et si j'en ai le goût  ce jour-là, cela me va. Sinon on passe. Et la neuvième étape nous mentionne de réparer nos torts dans la mesure du possible sauf si en se faisant nous pouvions leur nuire ou faire tort èa d'autres. Une question de jugement. La dixième nous confirme que nous ne sommes pas automatiquement guéris car il peut nous arriver de glisser, de nous échapper au niveau comportement, nos défauts et nos défiances, Nous corrigeons tout de suite, dès que nous nous en apercevons. Il s'agit bien d'un  mode de vie.

La onzième se lit comme suit: "Nous avons chercher par la prière et la méditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu tel que nous le concevions lui demandant seulement de nous faire connaître sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l'exécuter. J'ai fait beaucoup de lectures pendant un certain temps dont Le gros livre des alcooliques anonymes, surnommé la bible des AA. Le petit livre Vingt-quatre heures par jour a dû m'accompagner pendant deux ou trois ans. A titre d'exemple, le 15 février on dit dans un petit texte que l'alcoolisme est plus qu'une allergie physique mais une allergie mentale et nos souffrances augmentent régulièrement. Par la suite il y a une méditation et une courte prière. J'avais commencé à la MJL la méditation avec une cassette de bruit d'eau et de petits oiseaux. La cassette m'a suivi et souvent je ne partais pas l'enregistreuse et j'entendais l'eau et les oiseaux. Je connaissais par cœur la cassette. D'autres lectures comme Vivre sans boisson, La vigne (une revue des AA) et beaucoup de documentation du mouvement.

Et la dernière étape: «Comme résultats de ces étapes, nous avons connu un réveil spirituel. Nous avons alors essayé de transmettre ce message aux autres alcooliques et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie. Techniquement j'ai fait du service dans le mouvement AA environ trois ans. J'y ai pris mes jetons de trois, six et neufs mois. Également mon gâteau en 1987 et 1988. Je devais prendre mon troisième gâteau autour du 9 juin et mon épouse avait prévu que les enfants seraient là dans le groupe ouvert le 16 juin. Parfait, j'avais même choisi d'y partager mon vécu comme un membre le fait à chacune des réunions.

Mais le sort en a décidé autrement. Le 11 juin, exactement trois ans après mon entrée à la maison Jean Lapointe, Isabelle notre fille de 18 ans décède dans un accident. C'était trop difficile pour moi de réintégrer le groupe et d'avoir à répondre à  des questions sur le deuil, sur sa petite fille que nous adoptions. Les gens voulaient bien faire mais moi, c'en était trop. J'avais déjà beaucoup trop de questions sur l'école, j'ai quitté subrepticement les réunions AA à Val-d'Or. Par contre j'ai toujours continué à assister aux réunions du Vieux Fort è Montréal. D'autres réunions ailleurs comme à Chicoutimi lors d'un voyage m'ont soutenu.

J'ai davantage aidé les gens dans mon milieu de travail car à mon retour à l'ouvrage, à l'école tout comme à la commission scolaire, j'avais relaté mon cheminement de sorte que les gens ne soient pas surpris. D'ailleurs plusieurs on fait appel à mes «services» pour eux-mêmes ou pour d'autres. Peu importe, j'étais une ressource et cela me renforçait dans mon rétablissement. Il me semble aussi que lors des partys d'école, il y avait plus de pepsi et de café. Un adon sûrement. Aussi lors de certaines apparitions mondaines, je me suis tanné de refuser une coupe de vin. «Non merci, je n'en veux pas!» «Envoye donc tu es capable». Oh boy, oui. J'aurai été capable mais c'était fini. Aussi je prenais le verre et de connivence avec certains on échangeait nos verres et moi j'avais la paix.

Lorsque je suis retourné pour la première fois au Bar Rendez-vous, une Labatt 50 m'attendait. Il y avait un corridor vitré avant de pénétrer à l'intérieur du bar et la barmaid m'a vu arriver. Ni un ni deux, ma cinquante était sortie. Elle ne savait pas. Il a donc fallu que j'explique mon dernier voyage, mon absence du bar depuis plus de un ou deux mois. Mon voisin de bar, Jean,  était fortement à l'écoute. «Ah ben, ça parle au tab...» Jane ou Diane, je ne souviens plus a changé ma bière pour un pepsi. Et la vie reprenait son cours. J'avais arrêté de boire pas de vivre. Même chose au Sigma. Même chose à la taverne Cosy que le groupe de surveillants d'étude à la salle Saint-Sauveur allait parfois se recueillir après le travail. Ça remonte à 1968 ou 69. Une bombe aussi pour Yvon, le waiter: «Toé ça. J'en aurais bien vu d'autres là avant toi». Et je lui ai dit qu'eux n'avaient peut-être pas le problème, qu'ils n'étaient pas malades. Ce n'est pas parce que tu prends un coup que tu es alcoolique. 

Après plus de trente-cinq ans, je vais bien. La sobriété n'existe pas toujours dans tous les domaines de ma vie mais je le sais et je fais attention. J'ai souvent dû renouveler mon stock de prière de la sérénité. Une douzaine de prières des fois c'est vite dépensé. Mais ça marche. Il y a des choses que je peux changer et d'autres pas. Je n'ai pas à me battre contre ça. Dans le mouvement, j'ai davantage compris que je dois éviter de vivre des hauts et des bas, des très hauts et des très bas. Ca va bien, on va fêter ça. Ça va mal on va noyer ça. Les hauts  et les bas de la vie, je dois tenter de me maintenir au milieu de tout ça. Si je ne m'échappe pas trop de la ligne du centre, je risque d'être mieux dans ma peau. Non pas que cela m'amènera à boire mais la sobriété psychologique n'en sera que mieux gardée. 

Bref je vais bien et mieux je vis!                                                          

                                                 LES FLEURS MALADES


Jean Lapointe 


Amenez-vous les fleurs malades
Ce matin on va au soleil
Oui c'est au tour des fleurs malades 
De trouver au soleil
Un été sans pareil 
Amenez-vous les fleurs malades
Aujourd'hui on va au soleil


 Fait pas s'en faire parce qu'au jardin
 Y'a des fleurs qui poussent moins bien
Le soleil tourne, l'ombre s'en va
La vie revient comme le lilas
La vie revient comme le lilas

Petites fleurs fragiles au vent
Ce n'est qu'une question de temps
Le jardinier travaille bien
Il reviendra vous dire un matin
Il reviendra vous dire un matin


Amenez-vous les fleurs malades
 Ce matin on va au soleil
 Oui, c'est au tour des fleurs malades
 De trouver au réveil
 Un été sans pareil
 Amenez-vous les fleurs malades
 Aujourd'hui on va au soleil

 Les fleurs qui poussent dans les serres
 Ne voient plus la fin de l'hiver
 Elles s'inventent un printemps sous verre
 Et elles font leurs fleurs à l'envers
 Et elles font leurs fleurs à l'envers
 Quand on est sûr qu'elles sont perdues
 Qu'elles ne pousseront jamais plus
 On les appelle à faire des fleurs
 Du fond des jardins intérieurs
 Du fond des jardins intérieurs

 Amenez-vous les fleurs malades
 Ce matin on va au soleil
 Oui, c'est au tour des fleurs malades
 De trouver au réveil
 Un été sans pareil
 Amenez-vous les fleurs malades
 Aujourd'hui on va au soleil

https://www.youtube.com/watch?v=MRtoKGNSRik


Commentaires, questions, ajouts, fautes. Veuillez m'en dire un peu à

gildenom@videotron.ca


Aucun commentaire:

Publier un commentaire