Mes emplois 'étudiant
En 1959 mon père a acheté un Chevrolet 1951 pour nos besoins et je le prenais pour me rendre sur les chantiers avec Maurice même si à l’époque je n’avais pas de permis. C’est ainsi qu’un jour après avoir congédié, le mot n’est pas trop fort, un manœuvre qui était aussi notre voisin, un policier m’arrête au coin de la rue tout près de chez-nous. Il était bien caché et savait à quelle heure je partais le matin. J’avais remercié son frère Gilles la veille, et le policier m’interceptait ce matin-là. En tout bon voisinage, il m’a demandé de remettre le volant à mon oncle Maurice et il ajouta « Au moins pour la journée ». Faut dire qu’il connaissait son frère qui ne gardait pas ses emplois même s’il était dans la vingtaine avancée. A la demande de son père, ancien « bootlegger », nous l’avions engagé mais le résultat était prévisible. Il n’a pas fait long feu.
En travaillant principalement avec Maurice et Adrien, j’ai visité tout le Témiscamingue car nous avons fait à peu tous les villages. Le nord-est ontarien ne m’est pas inconnu ayant œuvré à Cobalt, Haileybury, Earlton, Englehart et New Liskeard où nous pensionnions à l’Hôtel King Georges.
À Englehart, où nous logions à l'hôtel et où nous avons construit une banque, j'en avais râlé. Et pas seulement à cause d'une première brosse. La bâtisse était octogonale et trois blocs de ciment de haut de 12 pouces constituaient les fondations. Pendant la pose des blocs, une petite bruine nous a accompagnés tout te temps de sorte que les blocs pesaient une tonne et je n'exagère pas. Le dos avait ses premières leçons dans un espace restreins. Aussi j'en ai encore la gorge dérangée juste à y penser. Il fallait couper les blocs à un certain angle pour la fondation et les briques par la suite. Le tout se faisait avec une scie à diamant et il fallait tenir le tout arrosé pour que la scie puisse donner son plein rendement et survivre. J'ai connu le masque pour travailler mais je n'étais pas beau à voir le midi et le soir. Encore une fois les rires ne sont pas autorisés, un léger sourire volatile, oui.
Je me souviens qu’un jour nous construisions le charnier à Haileybury et en même temps, une autre équipe excavait un cercueil avec une grue mais le sarcophage ayant pris de l’âge, il s’est brisé en deux. J’aime encore mieux l’odeur du parmesan, c'est peu dire. Nous étions au moins à trente ou quarante mètres des travaux mais les vents nous appréciaient cette journée-là.
J'ai eu à faire des échafaudages de tous les types. Quand je pense que je montais au clocher de l’église de New-Liskeard. À vingt-cinq, trente mètres dans les airs, fallait le faire: marcher sur un deux par quatre et réaliser l’échafaudage parce qu'il y avait de la brique à poser, à refaire. Si la CSST avait existé ou avait été là, les enquêteurs m’auraient enfermé. Aujourd’hui, je me revois et j’ai le vertige quand j’y pense. Un brin de folie, je le sais maintenant. De l’absurdité purement et simplement et ce ne fut pas la seule occasion.
Le dernier été avant de me rendre à Val-d’Or pour enseigner, j’ai passé 2 ou 3 semaines à Moosonee au nord de l’Ontario, en fait sur la rivière Moose qui conduit à la Baie James. Nous briquetions une école pour le gouvernement fédéral. Nous logions chez des chinois, un restaurant avec chambre et pension. Nous étions tout près de la base militaire où nous allions nous rafraîchir à un coût ridicule. Je pense que nous payions dix sous pour un verre de draft et vingt-cinq pour une bière. Ça ne coûtait pas cher. Oh, que non! Et pour nous rendre à Moosonee nous prenions le train à New-Liskeard et nous en avions pour une journée en passant par Timmins ou Cochrane. Le train se rendait dans ce coin de pays deux fois par semaine et je vous laisse imaginer la fête au pays lorsque la population accourait pour la nourriture et la boisson. Nous avions deux engagés sur la réserve et nous les perdions de vue pour une couple de jour. Et il nous revenait frais et dispo et nous vivions très bien avec ça. On nous avait prévenus. Le soleil se couchait tard et se levait très tôt en raison de la latitude de ce pays nordique. Les loups hurlaient tardivement et les coqs chantaient de bonne heure. Je crois même que leurs mélodies s’entrecroisaient.
C’est à partir de là que mes premières lettres furent écrites et expédiées en direction de la rue Cuddihy à Rouyn et adressées à Mlle Blanche Houle avec des timbres de cinq sous peu importe le poids de la lettre, une chance! Et Blanche qui téléphonait à sa mère depuis son ouvrage pour savoir si elle avait du courrier. Par chance que j'ai pas travaillé toute l'été à la Baie James car le facteur se serait sûrement plaint à la CSST.
En plus de trimer en maçonnerie, j’ai visité avec mon père à peu près tous les cimetières du Témiscamingue afin d'installer les monuments. C’est pour cette raison que mon père s’installait sur à sa chaise berçante à l’heure du midi et vers les dix-huit heures avec son petit calepin : il inscrivait les noms des personnes décédées en disant, après les avis mortuaires, des commentaires fort à propos sur les nouveaux rappelés par Dieu : « Sa femme est partie il y a quelques années"; ou bien, " Ça doit être Joséphat qui s’occupe de la succession", ou encore, "Ça c’est juste un lettrage, ils ont déjà leur monument. » Il connaissait tout le monde. Aussi, quelques semaines plus tard, les héritiers recevaient sa visite. Il vendait des monuments de granit que ma mère commandait par courrier à des compagnies comme Todoro et Bigras de Montréal et Villeneuve de Québec. Nous recevions les épitaphes par vanne et par la suite les installions tout en faisant des visites soit pour en vendre d’autres, soit pour collecter les montants dus. Souvent j’attendais dans le camion principalement dans les entrées des maisons privées ou dans les stationnements des débits de boissons. Dans ces derniers endroits, vers l’âge de seize ans, j’accompagnais mon père et les serveurs ne me posaient pas trop de question : mon père avait la réponse. Un signe de tête suffisait, C'est comme quand j'allais au cinéma avec Monique. Nous n'avions pas l'âge mais mon père disait: "S'ils ne veulent pas vous laisser entrer, dis à Beaupré qu'il me téléphone." Beaupré, le propriétaire, n'a jamais téléphoné.
La photo plus haut vous indique que je jouais au baseball au Stadium de Lorrainville. Je lançais assez souvent et lorsque ce n'était pas la cas je jouais à d'autres positions comme au premier but si je devais lancer en relève éventuellement ou à l'arrêt court en d'autres circonstances. Aussi, je lançais la fastball dans les parties qui elles avaient lieu vers 18h30 dans des localités du Témiscamingue comme Laverlochère, Béarn, Guigues, Ville-Marie. Il m'est arrivé quelques fois de lancer à la fastball en début de soirée et au baseball sous les réflecteurs. Et aujourd'hui je me demande pourquoi les épaules sont rébarbatives à certains mouvements. Et les blocs, et la brique s'ajoutent à l'historique des mes maux. Sans compter une déchirure de la coiffe du rotateur à l'épaule gauche au milieu des années 2000 en patinant sur la lac en arrière de la maison à Ange-Gardien. J'ai ouvert une parenthèse mais la photo voulait surtout vous montrer les monuments qui jonchaient la cour de la notre maison. Au moins deux épitaphes attendent patiemment que samedi ou dimanche arrive.
Durant deux étés, j’ai travaillé directement au Collège puisque les contrats de maçonnerie étaient rares. Dans un premier temps, j’ai passé l’été à peinturer et réparer le « poulailler », ancienne résidence des élèves de belles-lettres à philo II avant la construction d’un nouvel édifice en 63. Nourris, logés, cela me permettait de payer la pension de l’année suivante et les frais de scolarité, du moins en partie .. La deuxième année, j’ai travaillé en reliure. Nous avons eu à refaire des couvertures de livres, des tablettes avec des feuilles recyclables. Le responsable m'a tout montré ce qu'il était essentiel pour moi de savoir
et c'était parti pour 3 ou 4 mois. Ce dernier travail m’a permis en accord avec les pères de me relier un premier livre qui regroupait une partie de mes écrits principalement des poèmes que j’avais commencé à pondre en septembre 1959 : Œuvres matutinales. Selon les données, le recueil aurait été relié et imprimé le premier avril 1963. C’est un lundi de classe mais afin de me familiariser avec la reliure, je retrouvais le responsable dans mes temps libres.
Durant les vacances des fêtes j'ai occasionnellement eu à travailler. Je pense entre autres au moins un hiver à bûcher et transporter du bois pour ouvrir un chemin à la municipalité à la sortie du village en allant vers Béarn, mais je n'en sais pas plus. Je partais avec mon père, Maurice et une couple d'autres avec ma boîte à lunch et habillé chaudement des pieds à la tête. Beau temps, mauvais temps, le travail nous commandait et le soir venu l'épuisement nous guettait.
Certains hivers, mon père était gérant de la salle paroissiale et j'allais planter des quilles de façon assez régulière. Deux allées de jeu et je m'occupais je crois des deux en même temps. Aujourd'hui c'est fait automatiquement mais dans ce temps-là, je replaçais les quilles une à une et je recommençais au lancer suivant. Cela devait être aussi payant que de servir la messe mais beaucoup plus essoufflant. A la salle paroissiale, mon père s'occupait aussi de vendre certains victuailles pour les assidus aux cartes, les joueurs et les spectateurs. Je me souviens avoir fait quelques fois le trajet de la maison à la salle pour chercher des œufs dans le vinaigres, gros vendeur.
Bref il me fallait travailler et payer ainsi une partie de mes études. Si j’avais besoin d’argent pour une sortie ou pour un achat, il me fallait demander régulièrement à mon père, un petit deux et parfois un peu plus. Mais, je n’ai manqué de rien. Toutefois, un emprunt de 500$ en janvier 1965 m’a permis de terminer mon baccalauréat. J’ai pu faire faire mes études. Ghislain, mon jeune frère né en 1948 a entrepris quelques années après moi des études au Séminaire de Rouyn, de sorte qu’à un moment donné nous étions deux à l’extérieur. Peu de temps après la fin de mes études, Ghislaine, de sept ans ma cadette termine son secondaire à Rouyn et Guy et Linda se dirigent vers le Cegep de sorte que nos parents n’ont pas eu trop le temps de souffler. Je ne pourrai jamais assez les remercier de tous les sacrifices qu’ils ont faits pour moi. Je n'étais pas là mais de savants calculs ont dû être effectués. C’était notre héritage. Cela risque aussi d’être le nôtre pour nos descendants!
2021 08 28
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