Un Noël comme les autres



Chère Amanda,

Ma lettre est peut-être un peu longue mais je ne peux pas couper de mots tellement ils sont tous importants et témoins de mes plus beaux Noëls

Dès que la fête de Noël approchait, on le sentait. D’abord la neige s’empressait de tapisser le village de son manteau blanc à notre grande joie car nous pouvions sortir nos traîneaux et glisser dans les côtes. Aussi, avec l’arrivée de décembre je reprenais tous les matins le chemin de l’église et dès sept heures, revêtu de ma soutane et de mon surplis, je répondais en latin aux questions du curé devant une foule assidue. Nous nous préparions à assister à la naissance de Jésus-Christ. Déjà les marguilliers, les sœurs et quelques bénévoles décoraient les lieux et on sentait la fébrilité dans les cœurs. Le maître-chantre s'égosillait. La chorale s’époumonait dans l’allégresse et déjà la messe de minuit serait une réussite

Dès que j’ouvrais la porte en revenant de l’école pour le diner, les fines odeurs de la cuisine de ma mère enveloppaient tout mon être. Ce midi, des bonnes odeurs des boulettes à la viande s’infiltraient dans tous les racoins de la maison surchauffée. Les fenêtres suaient. Ce soir, les tourtières entreprenaient la grande valse. Un autre jour, en entrant, les beignes m’enlaçaient et m’intégraient dans leur set carré. Chaque jour et cela jusqu’au 24 décembre, des nouvelles odeurs pirouettaient dans la cuisine et se rendaient dans nos chambres situées à l’étage. Les gâteaux aux fruits, les muffins, les galettes à la mélasse, les tartes, la bûche de Noël, les pets de sœurs, tout laissait présager une fête grandiose et une visite nombreuse. Et dans les dernières journées, on savait que la dinde dégelée avait entrepris son maquillage et ce n’était pas des farces de la voir se trémousser.

Ce serait de grosses fêtes. Mon père avait rempli son cabanon de caisses de bière et de boissons fortes. Oh oui, ce serait une très grande fête. Il y avait aussi des caisses de liqueurs douces. Quand à ma mère, dissimulées un peu partout dans la maison, des boîtes de bonbons mélangés, mous et durs, des sacs de chips, des peanuts écaillées ou pas, du chocolat, surtout des «rosebuds» et tout ce que vous pouvez imaginer. Oh oui, ce serait de très grandes réjouissances.

Environ une semaine avant Noël, les odeurs se mêlaient aux décorations car nous avions notre sapin décoré prêt à recevoir les étrennes. Un beau sapin que nous sommes allés cherché à la ferme de mon oncle Adrien et tout le trajet nous le faisions dans la boîte du camion, On avait du fun. On ne peut plus faire ça aujourd'hui: cinq kilomètres dans la boîte du "truck"

La veille de Noël, nous nous couchions plus tôt que d’habitude et nos parents nous réveillaient pour la messe de minuit. Et nous allions à l’église à pied. Et sur le perron de l'église des accolades, des poignées de main. Et des odeurs festives. Ce qui permet à La Bolduc de chanter: "Y en a qui sentent la pipe d'autres qui sentent les oignons mais j'aime autant vous le dire tout de suite, la plupart sentent la boisson" Ce sera la même chose au jour de l'an dans sa chanson "C'est dans le temps du jour de l'an."

Nous montions dans le transept à gauche et prenions possession du banc que mes parents avaient payé. Ceux qui ne payaient pas de banc annuellement devaient se laisser guider par les Chevaliers de Colomb qui avaient revêtu leurs habits d’apparat et marchaient le corps droit pour ne pas dire "drette". C'est Noël. Et le maître-chantre à qui était dévolu les honneurs du Minuit chrétien s'égosillait et s'époumonait à chaque accord que la pianiste lui servait. Et la chorale qui avait pratiqué les deux derniers mois faisait frémir les paroissiens. Ah oui. Ce n'était pas une nuit comme les autres. Trois messes en plus. Et aussi c'était la quête vouée au curé pour ses émoluments.

       Après la messe, nous revenions à la maison et comme d’habitude, le verre de lait et le gâteau étaient disparus et ce n’est pas le chien qui les avait bouffés. Nous passions un peu de temps avec nos bas de Noël, nos cadeaux,  une petite collation et dodo car demain, la parenté viendrait nous visiter.

Souvent, pour le dîner de Noël, nous recevions la parenté sur le bord de mon père et le soir, celle de ma mère. Dans les deux réceptions, les "faiseux" de musique s’en donnaient à cœur joie et les sets carrés ne s'essoufflaient pas eux. non plus. Ça jouait aux cartes, ça placotait. Et moi et mon frère nous servions la boisson et aussitôt une ronde finie nous recommencions et si nous n’allions pas assez vite, mon père me faisait signe de nous grouiller. Se peut-il que nous avions pris quelques gouttes ici et là pour nous rafraîchir. Aucune idée. Il y a des choses dont on ne se souvient pas et c'est bien correct de même. Je ne suis pas obligé de tout écrire: liberté d'expression! Des mots encore à la mode en 2021.

Lors de ces rencontres, surtout quand les cousins et cousines étaient là nous jouions sur le lit où étaient entassés tous les manteaux. C’était beau de voir à la fin de la journée. Et là où nous avions beaucoup de plaisir, c’était à l’heure du départ. Nous ramassions toutes les bottes et nous les placions sur le tapis presque dans un tas. C’était de voir le monde chercher leurs bottes tout en nous regardant d’un air jovial.

Et le lendemain, cela recommençait chez Charles, Anicet, Léo et Réginald et tous les autres en fait, et cela jusqu’au 6 janvier, jour des Rois. Et le jour suivant, l’école recommençait et nous retrouvions nos amis. Et quand nous revenions de l’école, le sapin et les décorations de Noël étaient disparus.

Et le jour de l'an, on faisait le tour de la parenté pour se souhaiter une bonne et heureuse année, une bonne santé, de la réussite dans nos études, du succès dans nos amours. Vous avez le choix. Vous pouvez même en penser vous-même et surtout le paradis à la fin de vos jours. Et, approchez un peu. Écoutez bien ça:  les filles en profitaient ce jour-là pour se faire embrasser par les garçons. Bien là, c'est écrit dans la chanson d'époque. Puis par les oncles aussi. Faut dire que nous autres on ne demandait pas mieux. Tiens, tiens. tiens!

En pensant aux petits becs j'allais oublier la bénédiction paternelle demandée par l'ainé de la famille, Je, puisque je l'étais, demandais à mon père s'il voulait nous bénir. Cela ne me venait pas instinctivement, ma mère poussait un peu. Toute la famille à genou et mon père dans toute sa grandeur nous bénissait et demandait à Dieu toutes les grâces possibles pour sa progéniture. C'était bref mais assez pour qu'une larme cherche à s'éclipser à notre insu mais cela ne fonctionnait pas. Elle allait rejoindre les larmes de peines et de joie qu'il avait accumulées pendant toutes ses années.

           Et voilà, c’était comme ça que cela se passait. C’était le bon temps. Et je te souhaite à toi, à toute ta famille et à toute la classe un très joyeux Noël et beaucoup de plaisir.

Gros becs

Je t’embrasse.

Grand-papa Gilles

Dimanche le 1er décembre 2013.                 


 LA PARENTÉ

paroles et musique: Jean-Paul Filion

Jacques Labrecque

La parenté est arrivée nous visiter
Tout comme au Jour de l'An
La parenté est invitée pour la journée
Que di que yé ça va marcher

Ah! c'est la fête à mon grand-père
Ah! c'est la tarte à ma grand-mère
C'est la tante à mon beau-frère
Ah! la belle-sœur à mon cousin
Ah! c'est la fête à mon grand-père
Que y a, que y a du monde dans la salle à manger

La parenté a s'est bourrée de lard salé
Tout comme au Jour de l'An... Ha!
La parenté a va rester pour la veillée
Y est trop d' bonne heure pour s'en aller

Ah! c'est la fête à mon grand-père
Ah! c'est la pipe à ma grand-mère
Les cancans des créatures
Avec l'air bête à ma belle-mère
Ah! c'est la fête à mon grand-père
Ah! fumez donc, ah! fumez-donc encore un peu

Ah! c'est la fête à mon grand-père
Ah! la marmaille à ma grand-mère
C't effrayant comm' y a du train
Pis le bébé qu'a faite à terre
Ah! c'est la fête à mon grand-père
Pis c'est la chatte qui fait l' ménage avec le chien

La parenté s'est trémoussée ha! pour danser
Tout comme au Jour de l'An... Ha!
La parenté s'est accouplée ben enlacée
Les hommes les femmes ont des frémilles dans les pieds

Ah! c'est la fête à mon grand-père
Le plancher net à ma grand-mère
C'est la gigue à mon beau-frère
Avec le violon du cousin
Ah! c'est la fête à mon grand-père
Et comme on dit on est icitte pour s'amuser

La parenté va s'en r'tourner chacun chez eux
Tout comme au Jour de l'An... Ha!
La parenté, mon oncle Médé, ma tante Laura,
Mon oncle Noré, ma tante Emma

(parlé):
Bon ben bonsoir là
Vous vous r'prendrez
Comptez pas les tours
On est pas sorteux

(chanté):
Mon pauv' grand-père
Y s'est couché
Ben fatigué.

https://www.youtube.com/watch?v=YGKPbNqRsAg

2021 08 09

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